Si je m’écoute, je m’effondre !

Date de publication :

18 juin 2024

Auteur :

Aurélie Leflere

Rubrique :

équilibre de vie
Cette phrase, je l’entends régulièrement dans mon cabinet, où j’accompagne des femmes et mamans qui jonglent avec leurs multiples casquettes et se voient comme un funambule au-dessus du précipice de l’épuisement.

« Si je m’écoute, je m’effondre »

Peut-être est-ce une impression ou une croyance que tu as également ?

S’effondrer, que cela signifierait-il pour toi ? Dormir pendant plusieurs jours et nuits d’affilée, pleurer devant ton conjoint et tes enfants, craquer au boulot et devoir quitter une réunion à cause d’une crise d’angoisse, s’installer dans un fauteuil sans avoir la force de te relever, penser à en finir… Ces options-là sont des options extrêmes, qui peuvent effectivement arriver, non pas si l’on s’écoute, MAIS si l’on ne s’écoute pas. Ces options-là sont les symptômes d’un burn out sévère.
Si tu restes à l’écoute de toi-même, tu recevras bien des signaux d’alerte avant d’en arriver là !

Oui, heureusement, tu as plein d’alliés très personnels 😉 (= ton corps, ton cœur et ta tête) qui t’enverront des signaux. Lesquels ?

  • Ton corps : des tensions ou des douleurs, des maux de tête récurrents, des petites maladies répétées, un sommeil perturbé, une fatigue qui ne te lâche pas, …
  • Ton cœur : des émotions à fleur de peau, une irritabilité plus fréquente qu’avant, du stress à l’idée de devoir s’adapter encore, des inquiétudes envahissantes, …
  • Ta tête : des troubles de la concentration et des pertes de mémoire, une difficulté à trouver tes mots, …

Ces signaux, écoute-les s’il-te-plaît (et, pas besoin de les avoir tous, pour y prêter attention 😉) ! Ils t’invitent à décélérer et, si possible même, à prendre un temps d’arrêt pour voir comment réajuster ton quotidien : tes engagements, ta réalité multiple avec ses contraintes multiples.
Mais comment réajuster un quotidien, quand on est pris.e dans un rythme effréné, engagé.e dans de nombreuses relations ou projets, avec de multiples responsabilités et contraintes ?

L’étape numéro 1, est de se donner un espace pour y réfléchir. Et donc, créer cet espace-temps ! Les signaux d’alerte t’y enjoignent : décélère et crée des bulles de respiration pour toi ! Par exemple, tu peux poser un jour de congé « juste pour toi » (pour dormir, pour pleurer et laisser sortir le trop-plein de tensions, pour aller voir un thérapeute, pour passer quelques heures aux thermes, pour te promener en forêt,…).

Parce que des petites respirations ponctuelles ne suffisent plus quand on est en apnée (ou en « mode survie ») la majorité de son temps, certaines de mes patientes prennent la décision de diminuer leur temps de travail ou de se désengager de certains projets (pour une période déterminée ou non) afin de recréer cet espace de respiration de manière régulière. Cela demande du courage et de l’humilité pour ouvrir un chemin nouveau, découvrir une autre manière d’exister (autre que celle du hamster qui tourne de plus en plus vite dans sa petite roue).

L’étape numéro 2 : se mettre à l’écoute de ses besoins. Des besoins nous en avons tous, mais nous n’avons pas nécessairement appris à les écouter. Je dirais même que nous sommes nombreux.ses à avoir appris à ne pas les écouter, pour éviter de se faire juger comme « égoïste » (pense d’abord aux autres avant de penser à toi-même !) ou comme « fainéant.e » (fais un effort, quand même !) ou comme « complaisant.e ou vite satisfait.e » (tu peux mieux faire !). On fonctionne en pilote automatique et on ne regarde plus notre tableau de bord interne, alors qu’il y a peut-être des petites loupiotes qui clignotent…
Et puis, il y a la peur de l’inconnu : et si je me mets à l’écoute de mes besoins, que vais-je découvrir ? Que va-t-il se passer ?

« Si je me reconnecte à mes besoins, je m’arrêterai de fonctionner ! »

me répond Justine (Justine est le prénom que j’aime donner à mes patientes, pour relater leurs histoires, tout en préservant la confidentialité de leur identité 😉) En d’autres mots, Justine me dit que si elle s’écoute, elle s’arrêterait de fonctionner comme maintenant (à savoir dans une course folle et permanente). Peut-être irait-elle faire une sieste qu’elle ne s’autorise jamais ? Peut-être ne répondrait-elle plus immédiatement à ses textos ? Peut-être ne décrocherait-elle plus le téléphone pour répondre à un appel qu’elle n’attend pas ? Peut-être irait-elle rechercher ses enfants un peu plus tard à l’école, en les laissant une heure de plus à la garderie ? Peut-être s’arrêterait-elle vraiment pour manger posément son lunch à midi ?

Mais, est-ce que ça changera vraiment quelque chose ? Est-ce qu’elle se sentira mieux ? Est-ce qu’elle ira mieux ?

À quoi ça sert d’écouter ses besoins et comment faire ?

Se mettre à l’écoute de ses besoins, comment faire ?

Je te livre ici une des images que j’utilise dans mes accompagnements, lorsqu’on en vient à la question des besoins.

Si je m'écoute je m'effondreLe « trépi-équilibre » ? Késako ?
Imagine que tu dois trouver ton équilibre en te mettant debout sur un tabouret à trois pieds. Chacun des pieds est nécessaire à ton équilibre. Si on en coupe un, c’est la chute assurée ! Si l’un d’entre eux s’impose (on pourrait imaginer qu’un de ces pieds se mette à pousser, comme le nez de Pinocchio 😉), ta base s’inclinera et maintenir ton équilibre demandera un effort considérable, voire deviendra impossible.

En d’autres mots, le trépi-équilibre te permet une assise plus solide dans la durée. Il est constitué de trois types de besoins, à décliner dans ton quotidien pour te sentir bien !

Chez de nombreuses femmes que j’accompagne, les deux premiers pieds semblent déjà (bien) présents dans leur vie, même si certains ajustements s’avèrent souvent nécessaires pour les rendre plus « porteurs » et éviter une assise déséquilibrée. Le troisième pied, par contre, semble davantage négligé.

Le premier est le pied de la stimulation / gestion intellectuelle : il comprend d’une part ta curiosité intellectuelle et ton besoin de stimulation intellectuelle (que tu peux trouver dans ton travail, dans des projets, dans des lectures, dans des échanges approfondis sur certains sujets qui te passionnent, …) ; d’autre part le besoin de structurer tes pensées et ta vie pour pouvoir fonctionner au quotidien dans les différents domaines de ta vie (travail, ménage, santé, encadrement des enfants, loisirs, couple,…), ce que l’on nomme aussi « la charge mentale ».

Chez les femmes très engagées, ce pied est souvent sur-développé et crée un déséquilibre. Trop de projets et donc trop de stimulation intellectuelle à toute heure du jour et de la nuit. Trop de charge mentale aussi ; avec souvent une difficulté à déléguer ou à pouvoir compter sur quelqu’un pour se délester de la surcharge mentale concernant l’organisation familiale notamment. Pouvoir aborder cette question épineuse est importante pour éviter de glisser dans l’épuisement. Si ton couple est en souffrance, ne reste pas seule avec cette question ! Des amies bienveillantes ou un.e thérapeute peuvent t’aider en t’écoutant (pour que tu puisses déposer le trop-plein) et en revisitant avec toi ta manière de concevoir la répartition des tâches et la co-parentalité. Tu pourras ainsi d’abord clarifier tes besoins et demandes, avant de les adresser à ton conjoint.

Le deuxième pied est celui de tes besoins relationnels, que tu honores à travers les engagements que tu as pris dans certaines relations, où tu te sens à ta place et utile : ton rôle de maman, ta place de partenaire de vie, ta fonction professionnelle, …
La manière dont tu vis chaque relation dans laquelle tu te positionnes, t’exprimes, t’adaptes,…. peut être un atout ou au contraire un facteur perturbateur de ton équilibre. Il est bon du coup d’identifier les relations qui te font du bien et de les privilégier ! Et par rapport aux relations perturbatrices, il est important de se donner du temps pour clarifier comment se repositionner (afin de les faire évoluer dans le bon sens) ou s’en distancier. Grandir dans sa capacité à s’entourer de personnes bienveillantes (ou non jugeantes), encourageantes, vitalisantes…est la meilleure manière de renforcer la stabilité de ce « pied relationnel ».

Et le troisième pied, c’est celui du mouvement et de la créativité (mouvement du corps, manipulation avec les mains, mouvement des pensées créatrices, …) : danser, peindre, défricher ton jardin, faire la vaisselle en chantant, coudre, écrire, se promener (dans ton quartier ou dans la nature), faire une activité sportive seule (ou, si avec d’autres : dans un contexte relationnel serein et, de préférence, hors compétition), … Étonnamment, c’est le pied que les mamans ont tendance à diminuer ou à abandonner (carrément) le plus facilement pour gagner du temps en vue de répondre aux besoins de la famille*. Mais dans la durée, c’est le déséquilibré assuré : car le temps gagné… ne remplace pas l’énergie, le ressourcement ou la « revitalisation » que ces temps de mouvement-créativité offrent !

Ce troisième pied est donc constitué de tous ces temps (de quelques minutes à plusieurs heures) de reconnexion à toi, à ton corps, à tes sensations, … que tu t’octroies ! Selon l’activité que tu choisiras, cela te permettra de :

  • faire un focus attentionnel plus calme et apaisé, comme une parenthèse hors du tourbillon des pensées et des émotions du quotidien, et/ou
  • défouler le trop de tensions (physiques ou émotionnelles) accumulées, et/ou
  • te reconnecter à tes sensations, à ta respiration,… et être présente dans « l’ici et maintenant ».

Comme je le constate dans de nombreux accompagnements de femmes battantes et enthousiastes, qui frappent à ma porte « à bout de souffle » : négliger ce pied, le laisser s’atrophier… c’est prendre le risque de glisser – petit à petit, parfois imperceptiblement – vers l’épuisement. Oui, ce troisième pied est nécessaire à ton équilibre (non, ce n’est pas du luxe !). Alors, tant qu’à faire une to-do-liste, je t’invite à y ajouter des temps de « mouvement-créativité » que tu affectionnes et à les planifier de manière régulière dans ton agenda.

Choisis donc ce qui te fait du bien et parsèmes-en ton quotidien !

Et pourquoi pas un tabouret à quatre pieds ?

Pour être complète, je dirais que le trépi-équilibre est la base pour se construire une hygiène de vie équilibrée dans notre monde « survolté » 😉.

Mais il existe un quatrième pied qui renforce ton assise et stabilité intérieure. C’est le pied de la contemplation. Peut-être le connais-tu déjà ?

Ce pied est celui qui « te relie à plus que toi, à quelque chose au-delà de toi-même ». Il est constitué de ces temps (parfois vécus comme des moments de grâce) où tu te sens relié.e à quelque chose qui te dépasse. Tu peux l’appeler Amour universel, Dieu, Dame Nature, … Certain.es parlent de transcendance ou d’une dimension spirituelle qui nourrit leur vie.

Comment vivre cela ? La clé, c’est ta capacité à être pleinement conscient.e, présent.e, dans l’ouverture pour accueillir le moment que tu es en train de vivre. Lors d’une balade en forêt, tu peux par exemple activer « ta présence consciente » en faisant appel à tes cinq sens. Qu’est-ce que je vois ? j’entends ? je sens comme odeurs ? je ressens sur ma peau ? je goûte ? Comment est-ce que je me sens ici dans cette belle et majestueuse nature ? Est-ce que je me sens reliée à ce Vivant autour de moi ?

Cette reconnexion en profondeur à la nature est un exemple de contemplation, qui m’est régulièrement rapporté comme très nourrissant voire salvateur dans le processus de récupération post-burn out. D’autres pratiques ouvrent également à cette dimension spirituelle : la méditation de pleine conscience (Mindfulness), la pratique du silence ou de la prière, …

Ces pratiques ont en commun : la décélération. Ce sont des temps où l’on choisit consciemment de « sortir » de la course effrénée, où l’on ralentit et l’on se pose pour se connecter « à plus que soi, en soi ».

L’étape n°3 : Passe à l’action !
A la lecture de ces trois ou quatre pieds, reconnais-tu les besoins que tu honores de manière équilibrée ? Et ceux que tu as tendance à négliger ?

Quel besoin est le plus criant actuellement ?
Je t’invite à accueillir tes constats, non pour te juger, mais pour voir comment introduire l’un ou l’autre (petit) changement dans ta vie. Pas besoin de faire la révolution… et surtout, pas besoin d’en faire plus ! L’idée n’est pas de s’emmêler davantage les pieds 😉 !
Si tu te sens oppressée par ta to-do-liste et le rythme au pas de course dans ton quotidien, ou si tu te sens épuisée, cela est très probablement le signe qu’un pied a pris trop de place au détriment des autres. Ton assise est déséquilibrée…

Dans la plupart des cas, ce sont les deux premiers pieds (besoins intellectuels et relationnels) qui sont sur-développés (car aussi sur-valorisés dans notre société), ne laissant que peu ou pas de place au troisième (mouvement-créativité) et quatrième pied (contemplation).

Comment passer à l’action ? C’est assez mécanique, en réalité. Commence par viser le trépi-équilibre ! (L’équilibre sur 4 pieds viendra ensuite). Si tu veux donner plus de place à un pied, il faut diminuer – ne fût-ce qu’un peu ou de manière temporaire – les deux autres. Par exemple, diminuer ton agenda social pour les 2 mois à venir, décider de te désengager de certains projets (surtout si tu y joues un rôle moteur ou d’organisation qui est très énergivore),…

Et puis, identifie quelques activités/temps de mouvement-créativité qui te ressourcent. Vois-tu comment leur faire une place ça et là dans ton quotidien ?

Tip : Pour ne plus passer en dernier, indique-les dans ton agenda AVANT de le remplir (prends rendez-vous avec toi-même 😊 !)

Ensuite, c’est une question de répétition et de persévérance… un jour après l’autre. Permets-toi (postée sur ton trépi-équilibre ou tabouret à 4 pieds !) de réajuster au fur et à mesure le menu de chacune de tes journées ou de tes semaines pour y donner la place à tes différents besoins. Parce que cela fera toute la différence ! Tu ressentiras progressivement les bienfaits (moins de stress, plus de joie, plus d’énergie, un apaisement, moins de cris,…) de ce nouveau doux mélange de besoins honorés… et ton entourage en bénéficieras également !

Je t’envoie toute la bienveillance du monde pour oser re-construire ton équilibre !

NB : *Agathe Portail, chroniqueuse chez les Fabuleuses au Foyer, donne un bel éclairage à ce sujet dans son article « Les mamans créatives font-elles davantage de burn out ?« 

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